Où est le nonagénaire ?
Paul Biya Biya était reclus dans son Mvomeka’a natal en ce 13 février d’anniversaire comme à son habitude. Rien n’y fait, les flonflons n’ont rien perdu de leur trémolo dans les quatre coins du pays, essentiellement pour les militants du Rassemblement démocratique du peuple camerounais, avec le concours des jeunes achetés, pour la plupart, pour rehausser la manifestation de leur présences et autres vivats.
Les jeunes étudiants, débrouillards (…) étaient présents par milliers au Palais des Sports de Yaoundé, fief de ce banquet. Prenant la parole au nom de Paul Biya, Ferdinand Ngoh Ngoh, le Secrétaire général de la présidence (représentant du plus vieux président au monde) a même saisi l’occasion pour glisser des mots aux relents politiques. “Le chef de l’Etat compte sur vous…Il sait que vous l’avez toujours soutenu durant les échéances électorales” a-t-il lancé, non sans récolter quelques applaudissements.

Ses thuriféraires parlent d’âge de grâce, d’âge de la sagesse en se permettant un rictus à l’endroit de ces personnes qui avaient jadis prédit la mort de Paul Biya “et qui sont parties avant lui”. Paul Biya voit ce tournant autrement ! il se demande ce qu’il a vraiment fait de sa jeunesse, de toutes ces années derrière lui , il se demande s’il y a vraiment lieu de célébrer son long règne sans le moindre reflet d’une volonté de donner la chance qu’il a eu autres sans distinction.
Troublants souvenirs
Il se rappelle qu’il n’était pas si brillant que cela. Si la plupart des jeunes aujourd’hui décrochent le sésame au plus tard à l’âge 20 ans, Paul Biya avait obtenu son baccalauréat à l’âge de 23 ans (en juin 1956). Comme peu de jeunes brillants en ont la chance, Paul Biya avait alors eu le bonheur de poursuivre son cursus au Lycée Louis-le-Grand à Paris, ainsi qu’à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris ou à l’Institut de Hautes Etudes d’Outre-Mer en France.

Du haut de ses 90 ans, Paul Biya se rappelle que ce n’est pas grâce aux modestes épargnes de son père catéchiste qu’il a eu ces privilèges. Il se rappelle qu’il avait eu les faveurs de l’Etat pour voler si haut. Paul Biya garde en mémoire que pendant qu’il poursuivait allègrement ses études au frais de l’Etat, des jeunes comme lui, notamment les nationalistes de l’UPC se faisaient massacrer dans leur quête de l’indépendance du Cameroun.
Les nationalistes voulaient un Cameroun uni avant son indépendance véritable, et l’ont martelé jusqu’à la dernière goute de leur sang.
Paul Biya se souvient que le Cameroun a obtenu son indépendance factice, pilotée par la France avant son retour au Cameroun sous la gouvernance du président Ahmadou Ahidjo. Fait inédit ! Paul Biya qui avait obtenu son baccalauréat en 1956 retourne au Cameroun en octobre 1962 ! Oui 6 ans seulement après l’obtention de son Bacc il est immédiatement nommé Chargé de Mission à la Présidence de la République.
Paul Biya aux affaires
Paul Biya a commencé dans les hautes sphères de l’administration à l’âge de 29 ans. Il s’en rappelle bien et pas avec joie. Aujourd’hui il est presque impossible pour un jeune à son époque d’espérer un pareille destin. A moins de se sacrifier sous le soleil et la pluie dans le secteur informel.
Depuis l’âge de 29 ans jusqu’à l’âge de 90 ans, soit 61 années de sa vie, Paul Biya a vécu dans le luxe. Et pourtant dans cette même durée de son bonheur “infini” de nombreux jeunes sont morts dans la misère avec le rêve d’un Cameroun meilleur pour eux et leurs familles.
Paul Biya sait que sous son mandat beaucoup de jeunes sont morts avec l’espoir, morts avec l’ambition, morts avec le talent que n’ont pas forcément les prévaricateurs de la fortune publique, et toutes les familles proches de lui qui ont pris en otage le pouvoir. Peu de jeunes croiraient à un pareil bonheur jusqu’à l’âge de 90 ans.
Du haut de son vieil âge, l’âge du repos et de la communion avec ses proches, Paul Biya sait qu’il n’a pas toujours donné la chance aux inconnus, la chance aux talentueux, la chance aux jeunes visionnaires qui ont la fougue et le talent. Tenez, depuis qu’il est aux affaires, peu sont les jeunes comme lui à l’époque , qui l’entourent.
Ses ministres sont en moyenne âgés de la cinquantaine pour les plus alertes. Du reste le gouvernement au Cameroun, ce sont des Papy qui n’ont plus la force de souffler eux-mêmes sur leur bougie d’anniversaire; il en faut pourtant bien plus pour faire marcher efficacement un pays. Le repos n’est pas un fardeau !
J’ai oublié quoi ?