
Les députés de l’Assemblée nationale camerounaise rentrent en session dès le 11 mars 2021, à la convocation du président de la chambre Cavaye Yeguié Djibril. Le Senat suivra dans l’après-midi. Occasion pour qu’on entende parler de ces parlementaires, comme c’est le cas au Cameroun tous les 4 mois à l’occasion des trois sessions parlementaires annuelles. Dans l’intervalle que font souvent les députés et les sénateurs, surtout pour le bien-être des populations ? Rien de bien précis, sinon quelques sorties épisodiques sans impact et visant surtout à les faire exister. Comme cela a été le cas le 22 février, lorsque 62 députés ont signé une correspondance adressée à des députés américains, en réponse à une lettre que ces derniers ont adressé à leur président pour lui demander de se pencher sur la situation de la crise anglophone au Cameroun, qui depuis 2016 ne cesse de créer de la désolation, a mis la région à genoux économiquement et causé la fuite des centaines de milliers de Camerounais qui cherchent refuge dans les pays voisins, en Occident et aux Etats Unis.
Quelques extraits de la lettre lisent : « Nous considérons ces remarques sur le Cameroun comme des dérogations les plus inamicales et la marque d’une tentative de ternir notre image, et notre respectabilité, en cherchant à tromper l’opinion publique, créer de la confusion pour justifier l’obtention du statut de TPS et DED auprès de certains groupes défendant les droits des immigrés aux USA… Le Cameroun qu’ils décrivent et auquel ils font allusion dans leur correspondance n’existe pas et nous pensons qu’il est le fruit de la vision erronée de certains individus qui sont déterminés à provoquer davantage de déstabilisation dans toute la région de l’Afrique centrale… Nous exhortons les membres du Congrès américains à s’engager plus vigoureusement pour assurer le respect des conventions internationales contre la criminalité transnationale et la criminalité dont les États-Unis sont signataires et à veiller à ce que leur pays ne soit pas un refuge pour les criminels et les fanatiques d’actes de violence extrême et de terrorisme sur le peuple camerounais ». Les 62 députés camerounais affirment dans leur correspondance que la situation décrite par les députés américains est inexacte et tend simplement à ternir l’image du Cameroun, pour se résumer.
Pour parler de ternir l’image du Cameroun, ces 62 députés n’ont fait que cela, en signant cette correspondance. Voilà des représentants du peuple camerounais, supposés le défendre et défendre ses intérêts à l’Assemblée nationale, s’assurer que ses préoccupations sont prises en compte dans l’élaboration des politiques publiques par le gouvernement. Mais depuis le déclenchement de la crise anglophone, dont le bilan présenté à ce jour par divers observateurs fait état de 3000 à 12000 morts, plus de 600 000 déplacés internes, de 30 à 60 000 exilés au Nigeria, sans oublier de milliers de villages et autres infrastructures sociales détruites, le parlement camerounais n’a pas levé le petit doigt. Le sujet n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour des sessions parlementaires, même pas une simple lettre au président de la république pour s’indigner de la situation.
Non seulement ils restent indifférents, mais en plus ils s’énervent qu’ailleurs, d’autres députés plus regardant sur la situation des droits de l’homme interpellent leur président par rapport à la situation. Quelle image projette un député, qui incapable d’interpeller son gouvernement sur une situation préoccupante dans son pays, s’offusque en plus que d’autres s’y intéressent, sinon l’image d’un député faire-valoir entièrement inféodé au pourvoir exécutif qu’il est censé contrôler ? N’est-ce pas simplement une dénégation du rôle dévolu à un représentant du peuple, celui de légiférer et de veiller à ce que l’action gouvernementale mette au centre des préoccupations l’intérêt humain ? Le député qui signe une correspondance pareille, peut-il regarder un déplacé interne de la crise anglophone dans les yeux, qui a vu sa maison rasée par on ne sait qui, qui a vu son enfant sauvagement assassiné dans un collège à Kumba le 24 octobre 2020 ou celui dont les images de sa sœur enceinte brûlée à Ngarbuh le 14 février 2020 hante encore l’esprit, peut-il le regarder dans les yeux et affirmer qu’il l’a fait en exécution du mandat que le peuple lui a confié ?
Envie d’exister ?
Ces députés camerounais avaient-ils autant envie d’exister, au point de répondre à une correspondance qui ne leur était pas destinée, alors que sur place ce ne sont pas les problèmes auxquels ils devraient s’attaquer qui manquent ? En dehors de cette crise anglophone, le sport camerounais et notamment le football est dans l’agonie alors que l’instance faîtière est devenue la chasse gardée de quelques-uns, le complexe sportif d’Olembé prévu pour accueillir une compétition en 2019 est devenu un panier sans fond qui englouti l’argent que le Cameroun n’a pas, les insuffisants rénaux ne cessent de crever à cause des ruptures des kits d’hémodialyse et des pannes des appareils, le corona virus est devenu un vaste marché, les cartes d’identité, pièces essentielles pour les citoyens sont devenues un mystère, et on peut bien en citer, des problèmes qui minent les Camerounais, sans que cela n’émeuve les députés camerounais.
Dans la logique de la loyauté politique et de la discipline du parti, qui au Cameroun a foulé tous les principes démocratiques au pied, on aurait encore compris que les députés du parti au pouvoir et ses alliés soient les seuls à signer cette correspondance, mais l’apparition de la signature de deux députés du Social democratic front est une curiosité, notamment celle de Josuah Osih le vice-président du parti.
Déni de soi
Suite aux vives critiques, ce dernier s’est défendu dans une sorte de droit de réponse, dans laquelle il déplore effectivement le fait que la crise anglophone n’ait jamais fait l’objet de débat à l’Assemblée nationale, à cause de la majorité écrasante du Rdpc qui minore le problème. Mais il une explication qui ne l’absout pas même devant ses propres camarades du parti, comme l’ancien député Evariste Fopoussi Fotso, pour qui « S’ils se préoccupaient de l’intérêt du parti, ils se seraient investis pour que lors de sa prochaine session qui ouvre cette semaine, l’assemblée nationale qui ferme ses yeux depuis le début du drame, profite de cette sortie des parlementaires américains pour enfin ouvrir un débat sur la crise anglophone et la guerre qui en a suivi, comme le demande le SDF depuis des années et qui a même poussé un de ses députés, l’honorable Joseph Wilba qui a publiquement exprimé cette demande à l’exil. C’aurait été l’occasion idoine pour les parlementaires camerounais de répondre à leurs collègues américains, dans un cadre plus solennel et un style plus courtois et nettement plus diplomatique. » Les députés qui entrent en session, en tiendront compte ? C’est à voir !
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