
Ce n’est pas la première fois que le parlementaire français prend position au sujet du massacre à huis-clos qui se déroule en zone anglophone. Ce ne sera pas la dernière non plus, du moins tant que la situation perdurera et que le régime en place au Cameroun et son soutien qu’est la France – nonobstant quelques déclarations de pure convenance des autorités hexagonales – ne se seront pas résolus à entamer un véritable dialogue avec les sécessionnistes anglophones afin de poser ensemble les bases d’une normalisation que la majorité des Camerounais attend avec grande impatience.
Petit détour historique
Il y a bientôt cinq ans, se déclenchait ce qu’on appela à l’époque « la crise anglophone ». Des avocats et enseignants, sous la conduite de l’avocat Nkongho Felix Agbor-Balla (président) et l’enseignant d’université Dr. Fontem Afortekaa Neba (Secrétaire général), mettaient sur pied ’un certain Consortium de la Société Civile Anglophone du Cameroun (CACSC), ayant pour objectif d’obtenir par des mouvements de protestation absolument pacifiques, la fin de la marginalisation des membres de leurs corporations respectives ayant en commun d’être natifs des deux régions anciennement sous tutelle de la Grande Bretagne, en particulier, et de l’ensemble des populations anglophones en général. La réaction des autorités camerounaises destinataires de ces revendications (agissant par forces de l’ordre interposées) fut comme d’habitude extrêmement brutale, sanglante, mortelle… contribuant à braquer les populations des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest contre les autorités camerounaises, désormais considérées comme des envahisseurs.
L’assassinat près de Mamfé (département de la Manyu, région du Sud-ouest) de quatre militaires le 28 novembre 2017, suivi, 24 heures plus tard de celui de deux policiers à Otu (mêmes département et région) servit de prétexte aux durs du régime pour passer d’un exercice de maintien de l’ordre déjà décrié pour sa brutalité, à une guerre pure et simple, alors même qu’ils n’avaient pas identifié les assassins, pas plus qu’ils n’avaient mené d’enquête. Toujours est-il que le 30 novembre 2017, le président camerounais qui revenait du sommet Union Africaine-Union Européenne à Abidjan en Côte d’Ivoire, s’impliquait très officiellement dans cette guerre en la déclarant en sa qualité de Commandant en-chef des forces de défense et de sécurité (FDS). Ce jour, Paul Biya qui constate que « Le Cameroun est victime des attaques à répétition d’une bande de terroristes se réclamant d’un mouvement sécessionniste », assure que « toutes les dispositions sont prises pour mettre hors d’état de nuire ces criminels ».
Ceux qui voulaient un bain de sang sont servis à partir de cet instant et c’est de bon ton, si on peut dire ainsi les choses, qu’ils applaudissent : « Paul Biya vient de déclarer la guerre à ces terroristes qui prônent la sécession », se réjouit la CRTV, média audiovisuel gouvernemental. Sur les ondes de ce même média, le ministre de la Défense, Joseph Beti Assomo jadis réputé humain et mesuré, renchérit : « Lorsque le chef de l’État prend une décision politique comme celle-là (éradiquer les combattants séparatistes), nous allons la mettre en œuvre sans état d’âme ».
Depuis lors, comme l’avaient prévu de nombreux observateurs avisés, tout est allé en vrille. « Sans état d’âme ! »
Conséquence, des dizaines de milliers de morts pour la plupart des civils, et pour le reste, des combattants pro-séparatistes et des éléments des forces loyalistes (plus de 50.000 selon les témoins sur place, 12.000 selon des ONG de défense des droits de l’homme et environ 3.000 à en croire les chiffres plus ou moins officiels). Les sources de ces informations terrifiantes évoquent également des centaines de villages (des milliers d’habitations ainsi que des plantations, des établissements scolaires, hôpitaux et marchés incendiés par l’armée), des dizaines d’enlèvements suivis de demandes de rançons attribués aux groupes armés séparatistes, mais aussi à des groupes armés que certaines langues disent montés par des soutiens du gouvernement et des supplétifs civils de l’armée qui passent pour des sécessionnistes pour mieux infiltrer les rangs de l’ennemi, plus d’un million de déplacés internes et des centaines de milliers d’enfants empêchés d’aller à l’école du fait du mot d’ordre de boycott des activités imposé par les séparatistes au nom de la lutte pour l’indépendance de leur Ambazonie, lesquels menacent de graves représailles ceux qui y contreviendraient.
Alors que les Camerounais espéraient un dialogue entre les autorités de leur pays, responsables au premier degré de la marche du pays, et les séparatistes, les premières n’ont de cesse de clamer qu’un Etat ne discute pas avec des terroristes, et qu’en raison des missions régaliennes de l’Etat, l’armée qui en est le bras séculier ne saurait déposer les armes, au risque de faire la courte échelle aux malveillants qui, la nature ayant horreur du vide, n’hésiteront pas à donner le coup de massue final à l’unicité et à l’indivisibilité du Cameroun. Une position par principe difficilement discutable mais qui ne peut pas ramener la paix et faire cesser les tueries, le camp d’en face qui se sait moins armé ne pouvant aussi accepter de déposer les armes au risque de se faire écraser par un adversaire qui n’est pas digne de confiance, et qui est d’autant plus de mauvaise foi que c’est lui qui a donné le ton de la situation actuelle en tuant des citoyens qui n’avaient rien fait d’autre que de protester pacifiquement contre le mépris dont ils faisaient l’objet –sous prétexte de maintenir l’ordre public-, en bastonnant et humiliant d’autres de différentes façons, suscitant des rancœurs difficiles à apaiser, un adversaire qui leur inspirerait d’autant moins confiance qu’il a dans un passé récent, négocié avec de vrais terroristes, ceux-là, du mouvement islamiste nigérian Boko Haram, afin d’obtenir la libération d’une famille de touristes français, versant au passage de nombreux milliards aux terroristes et contribuant ainsi sans le vouloir, certes, à lui procurer les moyens financiers de son action terroriste, mais qui estime qu’il serait sacrilège de discuter avec des compatriotes qui pour des raisons historiques, et sociologiques et conjoncturelles, en sont arrivés à penser que pour être heureux, ils devraient faire usage du droit qui est celui de tout peuple, à l’autodétermination.
Les “terroristes” séparatistes campant sur leur position et se livrant à des actes horribles pour se venger mais n’étant pas moralement responsables de leurs actes au même titre que le gouvernement camerounais, puisque n’ayant reçu mandat de personne et n’ayant par conséquent de comptes à rendre à personne, il restait audit gouvernement camerounais de trouver le moyen soit de les éradiquer une fois pour toutes, ce qui est impossible parce que cela reviendrait à exterminer toute la population des anglophones dont ces “terroristes” sont des parents à divers degrés, soit d’opter résolument pour la solution moins coûteuse financièrement et en vies humaines, d’un dialogue inclusif et sincère, différent du simulacre de dialogue de fin septembre-début octobre 2019 destiné à la communauté internationale, et qui n’a du reste trompé personne.
Or tout le problème est là : Au pays de Duala Manga Bell, Madola, Martin Paul Samba, Din Ngosso, Chgarles Atangana, Ibrahim Njoya, Edande Mbita, Tetang, Kum’a Mbape, Timothy Dika Mpondo, Akwa, Ludwig Mpondo Dika, Kuva Likenye, le Lamido de Kalfu, Lamido de Mindif, lE Chef de Yokadouma, et autres figures fondatrices du nationalisme camerounais, ils sont tous devenus fous de sang comme on est fou d’un amant, qu’il n’y en aurait plus un seul pour rattraper les autres.
Le salut face à tant d’irresponsabilité ne peut alors venir que d’une force extérieure, de préférence, d’un regroupement de forces extérieures, même réputées pour ne pas avoir les mêmes intérêts, mais au moins d’accord qu’il faut imposer de force la fin du carnage au Cameroun et conduire les forcenés qui s’y livrent sur la table des pourparlers de paix.
C’est le sens du combat du jeune député français Sébastien Nadot qui ne manque aucune occasion d’interpeler aussi bien son pays que les décideurs du monde pour qu’ils se penchent sérieusement sur le cas CAMEROUN
A moins que cette communauté internationale n’ait pour dessein de voir les Camerounais s’exterminer entre eux pour offrir sur un plateau d’argent les terres et les matières premières qu’il faut aux peuples d’ailleurs, en quête d’espace vital.
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