
Par le Dr. Richard Makon
La fusion
Le débat sur le traité de fusion-création des deux principales organisations patronales du pays divise actuellement la classe intellectuelle. Quel est votre avis ?
Le débat sur le traité de fusion-création des deux organisations patronales est effectivement l’occasion d’une forte divergence entre ceux qui y voient une chance pour le patronat et l’économie camerounaise, et ceux qui indexent ce projet. Ma collègue Loveline Tayou et moi-même, en cosignant une tribune commune, avons modestement partagé quelques considérations sur ce sujet il y a quelques jours.
Nous avons choisi de poser un regard synoptique sur cette actualité en affirmant dans ce texte, paru dans la presse, que cette querelle occulte en réalité le débat de fond, celui de l’urgente refondation du Gicam. En effet, après 66 ans d’existence, il est évident que le Gicam a besoin d’une véritable cure de jouvence.
Mais s’agissant singulièrement de votre question, il semble évident que le processus de fusion – création initié par le président actuel du Gicam viole les textes qui régissent cette organisation patronale. D’abord parce que cette fusion bafoue le pouvoir d’initiative et de décision du conseil d’administration qui s’est opportunément vu transformé en une chambre d’acclamation.
Des informations glanées à bonnes sources révèlent avec constance que les administrateurs du Gicam ont adoubé le principe de la fusion et attendaient de délibérer collégialement et à bon droit sur un projet de traité de cette fusion. Malheureusement le Président de céans n’a pas jugé utile d’ouvrir ce débat, et leur a présenté à la place, pour acclamation, un traité dont ils ignorent tout de la substance et de la consistance.
Par ailleurs, et ce qui est fort surprenant, l’avis du conseil des sages du Gicam qui devait être donné préalablement à la signature du traité de fusion a été occulté. Ce qui peut soit s’apparenter à une défiance vis-à-vis de cette instance, soit attester de l’inutilité de son institutionnalisation.
Qui plus est, en entendant inviter l’Assemblée Générale Extraordinaire du GICAM à ratifier simplement ce traité de fusion, le Président Tawamba violerait la souveraineté de l’assemblée générale qui serait ainsi, à la suite du conseil d’administration, transformée en caisse de résonnance.
Ce qui serait une incongruité, dans la mesure où l’assemblée générale qui décide en dernier ressort, est habilitée à se prononcer sur tout projet de fusion, qu’elle peut modifier à sa guise, rejeter, ou éventuellement adopter, mais jamais un traité déjà signé !
Qui pourrait défendre le fait que, dans une organisation, en contexte supposément démocratique, le Président puisse unilatéralement s’arroger le pouvoir d’engager un processus pouvant conduire à la dissolution de celle-ci ? Vous l’aurez compris, le projet de fusion ECAM – GICAM tel qu’il est actuellement libellé, pensé et exécuté, porte en lui-même les germes de son annulation.
Et,tout ceci est d’autant plus surprenant que le GICAM, qui se fait le chantre de la bonne gouvernance et l’exemplarité qu’elle induit, vient à peine de publier un Code de bonne gouvernance des entreprises.
La réalité
Pensez-vous que cette fusion va être entérinée malgré la levée de boucliers qu’on observe dans la presse et les réseaux sociaux ?
En réalité, je suis étonné de constater que ce projet n’ait pas encore été sanctionné jusqu’ici. Si vous commettez l’imprudence d’aller vous marier sans informer vos parents et ceux de votre femme, et qu’ensuite vous leur demandiez d’entériner ce mariage, il est clair que s’ils ont un peu d’amour propre ils vous sanctionneront.
L’image se rapproche en effet du cas d’espèce, parce que le conseil des sages, les administrateurs et l’assemblée générale – qui ne sont pas contre le principe de la fusion – découvrent tous ce traité de fusion après signature. Je crois qu’il serait de bon ton que les patrons prennent leur responsabilité, que le conseil de sage prenne ses responsabilités pour restaurer la crédibilité du GICAM et rassurer toutes les parties prenantes sur la solidité des institutions au sein de l’organisation.
Le conseil des sages devrait sans délai et en tout état de cause censurer ce projet de fusion.
La démission de Célestin Tawamba ?
Etes-vous d’accord avec les analyses qui disent que Célestin Tawamba et Protais Ayangma, à l’initiative de cette fusion, jouent gros ?
Bien que leurs trajectoires professionnelles individuelles et leurs états de services dans le mouvement patronal soient particulièrement remarquables, les deux jouent malheureusement gros dans le cas où cette fusion ne passe pas. En effet, si le conseil des Sages venait à censurer le projet de fusion, il ne serait pas surprenant que le Président actuel démissionne avant la fin de son mandat.
Le Conseil d’administration du GICAM devrait aussitôt l’y inviter s’il souhaite conserver une quelconque légitimité pour continuer à diriger le Groupement pour le reste du mandat. Il me semble que c’est la pratique de la démocratie associative dans toutes les organisations qui se respectent.